La liberté est-elle innée à l’homme?
Qu’est-ce que j’entends par liberté ?
Je suggère deux sortes de libertés ; une liberté de forme et une liberté de fond. La liberté de forme est celle qui fait croire à l’homme qu’il est libre tandis que la liberté de fond est celle qui rend l’homme réellement libre. On peut donc déjà constater qu’il est possible à l’homme de se croire libre sans l’être réellement.
Qu’est-ce donc que la liberté ? Bien souvent, on allie la liberté de l’homme en fonction de son champ d’action. Ainsi, on peut entendre : « Je suis libre de faire … ». À partir de là, on présuppose que plus le champ d’action sera grand, plus la personne se sentira libre. Selon ce point de vue, la liberté de l’homme sera donc dépendante de son milieu et ses choix devront s’y accorder. Ce milieu est lui-même composé de contraintes à cette liberté d’action : lois physiques, éthiques, civiles ; la culture également. Cette définition, pour ma part, est relative à la liberté de forme, car elle ne prend pas en compte le processus de mise en action de l’homme, mais se contente d’agir sur l’action. Penser qu’en agrandissant son champ d’action on agrandit sa liberté est donc une erreur. Voici ce que j’entends par processus de mise en action :
Désir → Choix → Action
Ce processus implique une interaction de l’homme, dans sa globalité, avec son environnement. La liberté de fond agit quant à elle, non sur l’action, mais sur le désir. Si nous voulons donc parler de liberté de manière pertinente, il sera, je pense, plus adéquat de parler de ce qui agit sur les désirs de l’homme et non sur ses actions. En effet, c’est parce que l’homme à des désirs[1] qu’il choisit et c’est parce qu’il choisit qu’il fait.
La question qui devrait se poser maintenant est : « Qu’est-ce qui agit sur les désirs de l’homme ? » Le désir est inné chez l’homme et propre à sa personnalité. Il ne peut donc être déterminé que par son essence même. Aucun fait extérieur ne peut déterminer le désir qu’il y a en nous. Le fait que l’individu humain est libre découle également de sa personnalité. Cependant, la mise en action de cette personnalité n’est pas toujours le fruit de sa liberté, bien au contraire.
L’homme est sous des influences constantes imposées par son milieu (propagande publicitaire, idéologie politique, culturelle, religieuse, etc.) qui, parfois, sont contradictoires les uns avec les autres. La liberté de l’homme leur sera donc assujettie. Chaque choix que l’homme fait est soumis à diverses influences. Mais elles ne sont pas toujours facilement identifiables. Elles ne déterminent pas le choix de l’individu, mais le font pencher.
Toutes ses influences qui viennent s’imposer à l’homme auront plus d’impact si elles arrivent à faire naître en lui l’envie (procédé qui est le poumon de la société de consommation). Le schéma :
Désir (pensées) → Choix → Action
devient donc :
Désir (pensées) ‑– [envie] → Choix → Action
Les désirs, innés à l’homme, se voient donc être bouleversés par la naissance d’envies diverses. Et cela crée les déséquilibres que nous pouvons facilement observer. Par exemple, l’envie de posséder peut conduire des familles à se mettre en dette. Le désir de stabilité et de paix se voit donc être mal mené à cause de l’envie de posséder du nouveau. L’homme en vient à en oublier son désir, étant obsédé par l’envie. Très souvent, les influences font naître en nous des envies et pour certaines, elles se transforment même en besoin (l’exemple de l’ordinateur, du téléphone portable, de la voiture, etc.). À cause de ces influences donc, ce n’est plus trop l’individu même qui prend un choix. C’est la résultante des désirs mélangée aux envies. Le choix, au final, est quand même pris par nous et nous sommes pleinement responsables de ce choix, mais ce choix n’est plus forcément la véritable réponse à notre désir profond. Ces influences donc, sont un frein à notre véritable liberté et certaines personnes en arrivent même à devenir des personnes qu’elles ne voulaient pas être[2].
Là où l’homme perd donc sa liberté, c’est qu’il ne sait pas se défaire de la réalité de ces influences. Le seul moyen de vivre librement serait de s’en détacher et ainsi revenir au schéma initial où ce qui s’accomplit vient de son être même, de sa propre essence. Pour ma part, il n’y a pas de semi-liberté, on est libre ou contraint. Et si l’homme ne devait compter que sur lui pour récupérer cette liberté fortement hypothéquée par sa culture, le seul moyen alors à sa disposition est de fuir bien loin. Mais là où la notion biblique rentre en jeu, c’est qu’elle apporte une réponse à cette triste réalité.
Cependant, avant de rentrer davantage dans la notion biblique de la liberté, j’aimerai en définir mes présupposés bibliques. Pour ma part, Dieu est une personne suprême, il est omniscient, omniprésent, omnipotent et le seul être vivant parfaitement libre. Ces caractéristiques lui confèrent donc le pouvoir de connaître mieux que nous-mêmes ce qui est bon pour nous. Il est aussi pleinement amour et donc, ne nous imposera jamais quoi que ce soit qui soit uniquement mal pour nous. Il désire toujours ce qu’il y a de meilleur pour nous. Il nous a également créés et a donc le droit d’exiger de nous ce qu’il veut. Cependant, cette exigence est régie par son amour suprême.
L’amour que Dieu éprouve pour nous a été profondément blessé dès l’instant ou l’homme a décidé, croyant gager ainsi sa liberté, de mettre Dieu de côté pour s’ériger lui-même en dieu (Genèse 3). Pensant ainsi devenir libre, l’homme s’est en fait rendu esclave de sa propre convoitise : son ego. Si les envies qui viennent naître en l’homme, à cause des influences, ont un succès tel qu’elles peuvent conduire l’homme à adopter un comportement potentiellement dangereux pour lui et ses proches, c’est parce qu’elles sont nourries par son égocentrisme ; par sa quête du « moi ».
La Bible nous témoigne d’un paradoxe qui peut gêner profondément toute personne rationnelle et digne de ce nom. Elle dit que si l’homme veut vivre libre, il doit alors devenir enfant de Dieu. Nous ne pouvons comprendre ce message biblique que lorsque nous avons accepté l’idée que Dieu n’est pas ce que l’homme ou la pensée populaire a fait de lui. Dieu se montre comme étant un être d’amour ne voulant qu’une chose : vivre en relation avec l’humanité qu’il a créée. Une relation d’amour. Face à l’acte de rébellion que l’homme a commis (en s’érigeant à la place de Dieu) il s’est alors vu être gangréné par un mal qui le ronge et dont il ne peut se défaire. Un mal qui détruit, sans se lasser, l’humanité et tout ce qui l’entoure. L’homme c’est ainsi rendu coupable devant Dieu. Mais Dieu, conscient que l’homme a commis une faute qui a des conséquences qui le dépassent totalement, a décidé de venir lui-même apporter la solution à cette maladie qui gangrène l’humanité (Jean 3.16).
Comme nous l’avons vu, les influences font naître en nous des envies qui viendront alors interférer avec nos désirs réels. Ses envies étant nourries par notre égocentrisme qui se veut obsédé par tout ce qui pourrait être bon pour lui sans se soucier, parfois, des autres. La seule manière que nous avons pour nous défaire de l’impact de cela est donc de « mourir à nous-mêmes ». Mon égocentrisme doit mourir. Les envies, bien que pouvant encore naître, seront alors détruites directement dans l’œuf. Ce procédé, la Bible l’appellera la « nouvelle naissance » (Jean 3.1-21).
La nouvelle naissance n’est pas quelque chose que l’homme peut faire par lui-même. Pour comprendre cette notion de vie nouvelle, il ne faut pas tomber dans le piège de Nicodème (Jn3.1-9) et croire qu’il s’agit de quelque chose à prendre de manière littérale. Sa connotation est spirituelle et se situe dans le renouvellement de notre intelligence (cf. Rm12.2). La vie nouvelle est donc une nouvelle manière de vivre, car notre intelligence est renouvelée selon un nouveau modèle, celui de Dieu. Dieu opère cela par son Esprit-Saint qu’il met en nous. Ce qu’il se crée donc, c’est un détachement aux influences de ce monde par ce que la Bible appelle : la sanctification. C’est Dieu qui vient opérer cela. Dans le but de rendre l’homme libre et de vivre ce pour quoi il a été créé. Il a fallu pour cela que Jésus vienne sur cette terre, apportant ainsi, par sa mort et sa résurrection, l’unique possibilité à l’homme de trouver le seul remède à cette maladie qui le détruit.
Mais ne tombons pas dans le piège de croire que si Dieu fait cela c’est pour que je me sente mieux. Ce serait alors raisonner dans toute notre profondeur égocentrique. Si Dieu à fait cela, s’il a envoyé Jésus, c’est afin que l’homme puisse à nouveau entretenir une relation libre avec lui. C’est la raison pour laquelle nous sommes sur cette terre. Et ce qu’il y a de merveilleux c’est qu’en envoyant Jésus, Dieu invite l’humanité à se tourner vers lui, à lui demander pardon et expérimenter la réalité de son existence. Au travers de cette relation entre nous et Dieu, notre regard commencera (plus ou moins vite selon les personnes) à changer. Certaines choses que nous considérions alors comme bonnes nous paraîtront alors néfastes et certaines néfastes, comme bonnes. L’envie ne trouvera alors plus d’accroche en nous. Et nos désirs profonds, essentiels, pourront alors trouver plus de liberté pour s’exprimer.
Au final, si l’homme désire vivre libre, il ne le peut que s’il s’abandonne à Dieu, car seul Dieu peut donner, par sa connaissance, un libre accès à la liberté. L’homme par lui-même ne peut accéder à cette connaissance qui confère la liberté. La liberté est hors de la portée de l’homme ; il ne peut la recevoir que par celui qui l’incarne parfaitement : Dieu. Pour cela, l’homme doit accepter de s’abandonner entre les mains d’amour de notre Dieu et vivre pour lui, plutôt que pour lui-même.
[1] Il ne faut pas confondre l’envie et le désir. L’envie est ce qui prend naissance en l’homme suite à quelque chose tandis que le désir est inné à l’homme. Cette division est délicate et complexe j’en suis conscient, mais il importe de s’y positionner lorsqu’on désire parler de liberté dans sa profondeur.
[2] Peut-être que le témoignage de Paul en est la démonstration : « Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. » (Rm7.19).
Super, vraiment très inreressant et bien expliqué!
Merci Fabien pour ce partage